Les animaux en copropriété divise : Quelles limites ?

Publié le 30-10-2017

Un cas classique de litige en droit de la copropriété est celui où l’assemblée des copropriétaires adopte un règlement restreignant le droit des copropriétaires de garder des animaux. Il s’agira souvent d’interdire les chiens, par exemple, ou de limiter le nombre d’animaux par unité privative. Que faire en pareil cas? Et de quel droit l’assemblée adopte-t-elle un tel règlement?

Il s’agit d’une question épineuse, dont la réponse se trouve plus en jurisprudence qu’au seul Code civil du Québec.

D’entrée de jeu, il importe de souligner qu’aucune loi particulière n’empêche une Déclaration de copropriété d’interdire la détention d’animaux domestiques dans une partie privative. La seule limite à la marge de manœuvre dont dispose un Syndicat de copropriété à cette fin est le principe général retrouvé aux articles 1056 et 1102 du Code civil du Québec, lesquels prévoient ce qui suit :

«1056. La déclaration de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires, sauf celles qui sont justifiées par la destination de l’immeuble, ses caractères ou sa situation.

1102. Est sans effet toute décision du syndicat qui, à l’encontre de la déclaration de copropriété, impose au copropriétaire une modification à la valeur relative de sa fraction, à la destination de sa partie privative ou à l’usage qu’il peut en faire.» [nous soulignons]

Comme on le remarque à son libellé, l’article 1102 du Code civil du Québec pose une règle flexible, qui doit être appliquée en fonction de facteurs propres à chaque immeuble – ce que l’on nomme sous le vocable de  «destination de l’immeuble».

La Cour d’appel, dans l’arrêt Kilzi c. Syndicat des Co-propriétaires du 10 400 Boul. L'Acadie, [2001] R.J.Q. 2401, retenait la définition donnée de cette notion par Me Christine Gagnon (Christine GAGNON, La copropriété divise, 3e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2015, p. 146 et suivantes), soit que «La destination de l'immeuble, c'est le genre d'immeuble voulu par les copropriétaires»; «c'est en quelque sorte sa personnalité. Ce n'est donc pas un concept qui peut être exprimé en une phrase, dans une clause de la déclaration de copropriété. Elle est plutôt la somme de plusieurs facteurs qui contribuent à la définir».

Ainsi donc, suivant l’article 1056 C.c.Q., comme toute restriction contenue à la Déclaration de copropriété, un règlement encadrant, limitant ou interdisant la possession d’animaux dans un immeuble en copropriété divise devra être justifié par la destination de l’immeuble, soit l’ensemble de ses caractères, spécificités et particularités.

On comprendra donc que ce qui pourrait être permis dans un immeuble X ne le serait pas nécessairement dans un immeuble Y; de cette réalité nous provient une jurisprudence bigarrée et qui peut parfois paraître contradictoire.

Sans nous livrer à une revue extensive de celle-ci, soulignons, aux fins de la présente chronique, les grands principes qui se dégagent des jugements rendus par les tribunaux québécois en la matière.

Premièrement, la possession et la garde d’animaux dans les parties privatives peut être restreinte par l’assemblée des copropriétaires (Wilson c. Syndicat des copropriétaires du condominium Le Champlain, 1996 CanLII 4562 (QC CS), par. 66). Toutefois, cette restriction doit être justifiée par la destination de l’immeuble, à défaut de quoi il serait nécessaire, afin de valablement adopter ces clauses restrictives, de modifier celle-ci par vote de la majorité des trois quarts des copropriétaires, représentant 90% des voix de tous les copropriétaires, suivant l’article 1098(1) C.c.Q. (idem, par. 69-70).

Deuxièmement, la présence de clauses restreignant la possession d’animaux à la Déclaration de copropriété, et ce, dès la naissance de la copropriété, ouvre la porte à l’implantation de restrictions additionnelles (Gagnon c. Syndicat des copropriétaires des condos Manoir St-Luc, 2014 QCCS 4279).

Certains auteurs, tel Me Pierre-G. Champagne, vont même plus loin en postulant qu’en l’absence d’une interdiction de garder des animaux domestiques à la déclaration de copropriété lors de sa publication initiale, le Syndicat ne pourrait interdire totalement la présence d’animaux domestiques, puisque cette restriction ne pourrait se justifier par la destination de l’immeuble (Pierre G. CHAMPAGNE, «Des restrictions aux droits des copropriétaires en copropriété divise», dans Barreau du Québec - Service de la formation continue, Développements récents en copropriété divise, vol. 237, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2005.)

Troisièmement, et ce sera peut-être étonnant pour certains lecteurs, la jurisprudence enseigne que le seul caractère haut de gamme ou luxueux d’un immeuble en copropriété divise n’est pas en soi un motif suffisant afin d’y interdire la garde d’animaux (Wilson c. Syndicat des copropriétaires du condominium Le Champlain, 1996 CanLII 4562 (QC CS), par. 73), sauf si une telle interdiction était déjà présente au moment de la publication initiale de la Déclaration de copropriété.

Quatrièmement, et c’est là sans doute l’un des points les plus importants qu’enseigne la jurisprudence, la discrétion du Conseil d’administration aux termes d’un règlement ne saurait être absolue, et doit se fonder sur des motifs raisonnables (Syndicat de copropriété Noivell II c. Ambeliotis, [1997] R.D.I. 539 (QC CS)). En effet, les tribunaux ont une tendance marquée à regarder d’un œil critique les règlements conférant un droit de regard absolu ou un droit discrétionnaire au Conseil d’administration d’exiger qu’un copropriétaire se départisse de son animal.

De même, les tribunaux ont souligné dans au moins une décision que toute discrétion conférée au Conseil d’administration par un règlement est sujette à révision judiciaire (Miller c. Syndicat des copropriétaires de «Les résidences Sébastopole centre», EYB 1996-30336 (C.S.)), et la jurisprudence contient certains exemples d’un tel réexamen par la Cour.

Cinquièmement, en continuité avec la réticence des tribunaux de reconnaître un droit discrétionnaire au Conseil d’administration, la Cour supérieure précisait, déjà en 1997, que les administrateurs doivent appliquer une certaine gradation des mesures, interventions et sanctions avant d’exiger qu’un copropriétaire se départisse d’un animal (Syndicat de copropriété Noivell II c. Ambeliotis, [1997] R.D.I. 539 (QC CS), par. 10). Similairement, on retrouve l’idée que les administrateurs doivent donner l’occasion au copropriétaire d’être entendu et de remédier à la situation (Syndicat de copropriété Noivell II c. Ambeliotis, [1997] R.D.I. 539 (QC CS), par. 10).

Ce qui précède ne constitue évidemment pas une liste exhaustive des règles applicables, mais plutôt un tour d’horizon des grands principes. Comme le lecteur le constatera, il n’est pas aussi aisé que l’on pourrait le croire d’interdire les animaux ou de restreindre le droit des copropriétaires d’en posséder à l’intérieur de leurs parties privatives : le tout est assujetti à des exigences tant de fond que de forme et de procédure.

Advenant qu’un tel règlement soit adopté par l’assemblée des copropriétaires au mépris des droits d’un ou plusieurs copropriétaires, il sera la plupart du temps possible de contester la validité de ce règlement devant les tribunaux. En pareil cas, nous invitons le lecteur à contacter les soussigner afin d’explorer plus amplement cette possibilité.

Pour conclure, rappelons que même en l’absence d’une clause prohibant ou règlementant la présence d’animaux, les copropriétaires se doivent de respecter les droits des autres copropriétaires et de ne pas abuser de leurs droits, incluant le cas échéant celui d’avoir des animaux, tel que l’enseignait la Cour du Québec dans Rogov c. Pinel, REJB 2004-60788 (C.Q.))

L’équipe de Papineau Avocats Inc.

  Les sujets traités sont offerts à titre d'information et ne représentent pas des avis juridiques.

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